Christophe PRUDHOMME est médecin urgentiste au SAMU 93 (Bobigny) depuis 1987.
Porte-parole de l’Association des médecins urgentistes de France (AMUF), membre de la Direction de la Fédération cgt de la Santé et de l'Action Sociale et animateur du Collectif national des médecins de la cgt.

Les billets d'humeur de Christophe

 

Maternités : on ferme !

16 janvier 2023

La semaine dernière, je suis allé soutenir le comité de défense de l'hôpital de Guingamp qui lutte contre le projet de fermeture de la maternité fixée au 1er avril 2023.
Cet exemple n'est pas isolé car d'autres maternités de proximité sont dans le même cas à Autun, Ganges, Sedan ou encore Porto-Vecchio. Les autorités sanitaires utilisent aujourd'hui tous les arguments fallacieux pour accélérer ces fermetures. Habituellement, le motif invoqué est le manque de médecins, à Guingamp ce serait le manque de sage-femmes. Or nous ne manquons pas de sage-femmes en France, par contre les conditions de travail les font fuir l'hôpital.
Ce qui est encore plus scandaleux à Guingamp est que des candidates à l'embauche ont été refusées et que la direction de l'hôpital fait tout pour que les professionnelles en poste démissionnent. Il faut bien comprendre que la pénurie de personnels est sciemment organisée pour accélérer ici la fermeture d'une maternité, ailleurs d'un service d'urgence ou encore de la chirurgie. Il s'agit d'une véritable opération de démantèlement du service public hospitalier pour concentrer les moyens dans les métropoles. Les conséquences sont catastrophiques tant au niveau de l'aménagement du territoire et donc de l'écologie obligeant à la multiplication des transports, que sanitaire avec une dégradation des indicateurs de santé publique. En effet la France est aujourd'hui au 20e rang sur 33 en Europe en ce qui concerne la mortalité périnatale, c'est-à-d ire au même niveau que la Roumanie et la Bulgarie, pays qui ne sont pas spécialement réputés pour l'excellence de leur système de santé. Par ailleurs, dans les zones urbaines la situation n'est pas meilleure, comme en Seine-Saint-Denis, où régulièrement les maternités sont débordées et renvoient les femmes qui sont en train d'accoucher dans d'autres établissements avec tous les risques que cela comporte.
Il est urgent d'exiger un véritable plan de maintien des hôpitaux de proximité avec l'ensemble des activités de base que constituent un service d'urgences ouvert 24 h sur 24, une maternité pour les accouchements simples et de la chirurgie pour les interventions courantes. Ce d'autant que les réorganisations hospitalières en cours montrent bien la duplicité du gouvernement qui ferme des hôpitaux publics, mais qui finance très largement les opérations de restructuration du secteur privé en accompagnement le regroupement d'établissements dans les grandes villes ou en demandant à l'hôpital public d'accueillir dans ses murs les activités de cliniques en faillite en maintenant leur statut privé, comme c'est le cas à Lannion autre ville des Côtes-d'Armor proche de Guingamp.
Un autre exemple éclairant est le sauvetage des actionnaires d'ORPEA par la Caisse des dépôts, établissement financier de l'Etat qui va y injecter 600 millions d'euros, tout en faisant entrer au capital les créanciers afin qu'ils ne perdent pas leur argent, alors qu'ils se sont gavés de bénéfices pendant des années en maltraitant les résidents.

Retraite : la pénibilité des soignants oubliée

16 janvier 2023

La particularité du travail des soignants est la nécessité d’assurer la prise en charge des patients 24 h sur 24, 365 jours par an. Cette pénibilité est inhérente au métier et ne peut être prévenue. Il s’agit d’ailleurs d’une des causes d’abandon précoce de la profession, phénomène qui s’est accéléré ces dernières années, notamment du fait de la suppression par R. Bachelot de ce qui est appelée la catégorie active pour les infirmier.es, c’est-à-dire une bonification de 5 ans acquise pour une durée d’au moins 17 ans dans la fonction.
Les aide-soignant.es l’ont conservée mais la dureté du travail, notamment les problèmes de dos liés aux soins de toilette pour les patients confinés au lit, a pour conséquence que plus de 30 % de la profession part à la retraite avec un taux d’invalidité plus ou moins important. La régression dans ce domaine, aggravée par le projet de loi sur les retraites, va avoir pour conséquence inéluctable une accélération de la perte d’attractivité de ces métiers. En effet, si les aide-soignant.es doivent conserver la catégorie active, l’allongement de la durée de cotisation va réduire le montant de leur pension car il existe une proratisation sur le nombre de trimestres cotisés et pour partir à la retraite à 59 ans avec 43 années de cotisation, il faudrait avoir commencé à travailler à 16 ans et ne pas avoir eu d’interruption de carrière.
Pour les infirmier.es, la situation est encore plus défavorable car la bonification maximale de 2 ans va entrer dans le cadre du compte professionnel de pénibilité qui est un système à points qui s’apparente à une usine à gaz dont peu de personnes pourront réellement profiter. Enfin cerise sur le gâteau, tous les mécanismes de bonification vont dépendre d’un avis médical qui devra constater une altération de l’état de santé liée à la pénibilité du travail exercé. Bref, vous pourrez partir en retraite plus tôt si votre travail a dégradé votre état de santé !
Les soignants constatent au quotidien chez leurs patients les écarts d’espérance de vie en bonne santé en rapport avec les conditions de travail. Aujourd’hui, ils sont concernés au premier chef et ils ne demandent pas de la part d’E. Macron des remerciements hypocrites sur leur dévouement et leur engagement nuit et jour auprès de la population. Ce qui est exigé avec force est une réelle prise en compte de la pénibilité de leurs professions, avec le retour pour l’ensemble des métiers qui exigent un travail de nuit et en horaires décalés, la possibilité de partir avec une retraite à taux plein à 55 ans. C’est une question de justice sociale et une exigence pour retrouver une attractivité pour ces métiers essentiels, mais très exigeants sur le plan physique et psychologique. Mais, c’est aussi un enjeu de société qui intéresse tous les citoyens, car aujourd’hui nous assistons à une accélération de l’abandon du métier par de plus en plus de soignants, les écoles professionnelles n’arrivent plus à recruter et le nombre de diplômé.es baisse inexorablement avec des taux d’abandon des études très élevés.

La mauvaise ordonnance du Dr Macron

9 janvier 2023

Le pouvoir ne pouvait plus poursuivre dans son attitude déni de la gravité de la situation liée à l’effondrement de notre système de santé. Alors que le ministre de la santé récusait il y a encore peu ce constat, le seul bon point qui peut être attribué à E. Macron pour sa présentation des vœux aux personnels de santé est que, pour la première fois, il a largement repris nos arguments dans son constat de la situation. Que ce soit sur le nombre de Français sans médecin traitant ou encore le taux d’abandon et d’échec dans les écoles d’infirmier.e.s, les chiffres étaient exacts.
Par contre sa conclusion en termes de diagnostic n’a pas été la bonne car le malade est à l’agonie et l’urgence de mesures d’un traitement de choc s’impose. Par ailleurs, nous aurions attendu d’un président qu’il nous exprime avant tout les grandes orientations pour rétablir une situation très dégradée. Il s’agit notamment de savoir si la santé relève d’un grand service public permettant que chaque citoyen puisse avoir une réponse à ses besoins de manière égalitaire quel que soit son lieu de résidence sur le territoire et ses revenus. Or cela n’a pas été le cas et il nous a déroulé une très longue ordonnance avec des mesures et des promesses déjà proposées ces dernières années et qui ont montré leur peu d’efficacité. Pour la médecine de ville il promet d’augmenter le nombre d’assistants médicaux de 4 000 à 10 000 mais cette mesure est dans les tuyaux depuis maintenant près de 2 ans et, si elle a permis une petite augmentation du nombre de patients suivis par les médecins généralistes, elle ne règle pas les deux problèmes essentiels que sont la chute dramatique du nombre de visites à domicile et l’inégalité de répartition des médecins sur le territoire. En ce qui concerne les gardes, là aussi il poursuit dans un modèle basé sur l’incitation qui ne fonctionne pas alors qu’il est demandé de rétablir dans le code de la santé publique l’obligation pour tous les médecins de participer aux gardes, qui a été supprimée en 2002. Bref pour la médecine de ville, il ne remet pas en cause fondamentalement la liberté d’installation et la rémunération à l’acte et propose seulement quelques aménagements à la marge. En ce qui concerne l’hôpital, c’est encore plus scandaleux puisqu’il stigmatise les 35 h et propose aux professionnels d’organiser eux-mêmes leur temps de travail dans les services pour gérer les sous-effectifs. En ce qui concerne, ce que certains considèrent comme une avancée, à savoir la fin de la tarification à l’activité, il s’agit d’un leurre car le véritable problème est que le budget des hôpitaux voté avec le 49.3 a un taux d’évolution pour 2023 inférieur à l’inflation !
Bref aucune réponse concrète aux trois revendications portées depuis les grèves de 2019 : la création de 100 000 emplois, une revalorisation des salaires correspondant aux qualifications et surtout l’arrêt des suppressions de lits et des fermetures de services ou d’établissements. Sur ce dernier point comment peut-il être crédible alors que par exemple il est prévu de fermer dans les mois qui viennent la maternité et la chirurgie à l’hôpital de Guingamp ?

Pour une bonne santé en 2023

2 janvier 2023

E. Macron et son ministre de la santé ne peuvent plus cacher à la population l’état de dégradation profonde de notre système de santé. Alors que nous nous targuions d’avoir soi-disant le meilleur système de santé au monde au tournant du siècle, 20 ans plus tard l’organisation Samu-Urgences de France, présidée par F. Braun jusqu’à sa nomination comme ministre, décompte depuis plusieurs semaines les « morts évitables » dans les services d’urgence et les SAMU. Cela ne va pas beaucoup mieux en ville où le nombre de médecins généralistes ne cesse de baisser avec 6,5 millions de Français sans médecin traitant. A cela s’ajoute un système de financement renforçant les inégalités avec la généralisation des dépassements d’honoraires pour les spécialistes et une augmentation du renoncement aux soins pour des raisons financières. Dans le médicosocial, la situation est encore pire, avec le scandale d’ORPEA et plus généralement une prise en charge défaillante des résidents dans les EHPAD.
Depuis des années, nous sommes un certain nombre à donner des explications précises sur les causes de cette dégradation que beaucoup ont refusé de voir en face, pensant que quelques aménagements du système seraient suffisants pour régler les problèmes. Il faut bien reconnaître aujourd’hui la réalité qui est que les libéraux considèrent la santé comme un service marchand au sein duquel les investisseurs peuvent dégager de juteux profits du fait d’une importante socialisation des dépenses et de marchés captifs, car il est rare que les patients puissent faire jouer une « concurrence libre et non faussée au sein d’un grand marché mondialisé ».
Il est donc urgent d’engager un véritable débat sur le choix d’évolution de notre système de santé. D’un côté le secteur privé avec des médecins libres du montant de leurs consultations, des établissements privés lucratifs et des compagnies d’assurance aux primes variables en fonction de son niveau de risque. D’un autre côté un service public de santé pour la ville et l’hôpital permettant à chacun d’avoir un médecin traitant et un hôpital avec un service d’urgences à moins de 30 minutes de son domicile, avec un financement par la sécurité sociale, collecteur unique de cotisations et payeur unique de prestations, gérée majoritairement par les financeurs, c’est-à-dire les assurés sociaux. Une solution s’offre à nous pour cela : exigeons un référendum avec la question suivante : « Le système de santé doit-il relever exclusivement du secteur public, en excluant toutes les activités marchandes ? »
Je suis un éternel optimiste et je crois que la réponse serait massivement oui. Ce n’est pas la première fois que je fais cette proposition mais je pense qu’au regard de la gravité de la situation, l’urgence est là pour offrir une véritable alternative politique à l’accélération de la destruction de notre système social par les tenants du néolibéralisme. C’est mon vœu le plus cher pour 2023 !

Qui pour nous soigner demain ?

28 novembre 2022

La question des déserts médicaux fait la une de l’actualité depuis des années. Cependant celle des infirmier.es est rarement évoquée alors que la crise que connaît actuellement les hôpitaux est principalement liée au manque de cette catégorie de professionnels. Pour exemple, environ 20 % des lits sont fermés dans les hôpitaux parisiens par manque de personnel infirmier. Autre indicateur inquiétant, 200 000 infirmier.es en âge de travailler ont abandonné le métier et 29 % de ceux-elles en poste envisagent de démissionner dans les 5 ans. Plusieurs causes ont été identifiées sans être prises en compte par le gouvernement. Il s’agit de celle des conditions de travail, des salaires et de la pénibilité.
Mais, depuis peu, le signal d’alerte s’est déplacé au niveau des Instituts de formation avec des taux d’abandon et d’échec au niveau des études qui frôle les 40 % dans certaines régions. Le mode d’entrée par Parcoursup est une des causes identifiées mais une étude récente, très significative au regard du nombre de réponses, publiée par la Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers (FNESI) apporte des éléments supplémentaires très inquiétants. Il y a tout d’abord une problématique qui touche tous les étudiant.es mais encore avec plus d’acuité la filière infirmière, c’est celle de la précarité avec plus de 58 % des étudiant.es qui doivent travailler à côté de leurs études. La conséquence est dramatique car 1/3 des étudiant.es expliquent qu’ils doivent faire le choix entre manger et payer leur loyer.
Plus inquiétant est la mise en lumière de ce qui est défini de manière très claire comme du harcèlement et de la maltraitance en stages alors que ces derniers constituent une partie essentielle de la formation dans cette filière professionnalisante. Le harcèlement concerne 31,7 % des enquêtés et ce qui est particulièrement grave est que dans 2/3 des cas ce sont les soignants qui sont en cause. Tout ceci a un retentissement sur la santé des étudiant.es. En ce qui concerne la santé mentale, il existe une véritable explosion des chiffres par rapport à une autre enquête réalisée en 2017, avec 61,4 % des interrogés qui se considèrent comme concernés, indiquant en détail des crises d’angoisse dans près de 50 % des cas, une dépression dans près de 30 % des cas et des idées suicidaires dans 16 % des cas. Par ailleurs, près de 40 % indiquent un état de santé physique dégradé avec des douleurs obligeant à des prises d’antalgiques plusieurs fois par semaine, voire quotidiennement. Ceci est particulièrement inquiétant car les personnels de santé savent très bien les risques pour leur propre santé de cet abus de médicament. Les conséquences pointées en conclusion de cette enquête sont catastrophiques avec près de 60 % des étudiant.es qui ont pensé à arrêter leur formation. Les trois motifs évoqués sont : le manque d’encadrement, la détresse financière et la violence institutionnelle. Il y a donc urgence si nous voulons demain avoir des infirmier.es pour nous soigner de prendre soin des futur.es professionnel.les en corrigeant radicalement cette situation inadmissible.

Financiarisation de la biologie médicale

29 octobre 2022

Si les lecteurs de mes chroniques sont habitués à l’évocation du monde de la finance, il est plus inhabituel qu’un rapport conjoint des Académies de Médecine et de Pharmacie utilise ce vocabulaire. En voici un extrait : « Les pouvoirs publics n’assument pas leur rôle de régulateur, permettant ainsi que la financiarisation à outrance de la Biologie Médicale s’amplifie considérablement et conduise à des regroupements démesurés des Laboratoires de Biologie Médicale (LBM), destructeurs et sources de risques sanitaires. Le résultat est que les LBM de ville, dont on connaît déjà la mauvaise répartition territoriale, deviennent progressivement de simples sites de prélèvement, les patients se retrouvant alors seuls, souvent angoissés, avec leurs résultats transmis par internet sans interprétation ».
Ce milieu habitué à l’exercice libéral individuel ou regroupé entre professionnels n’a vraiment rien de révolutionnaire, mais il est aujourd’hui attaqué dans son indépendance d’exercice du fait de la mise à bas d’une législation française protectrice par la logique marchande imposée par l’Union Européenne. Ses représentants mettent en avant l’abandon des valeurs sur lesquelles ils fondent leur exercice : la liberté, l’humanité, la proximité, la performance et l’innovation.
Le rapport insiste également sur le fait que les jeunes biologistes ont un travail dont l’intérêt est de plus en plus réduit. L’indépendance de leur exercice professionnel dans de telles structures est théorique, et leur poids dans les décisions est pratiquement nul. Leur argumentation est très significative justement de l’affrontement autour des valeurs qui caractérisent aujourd’hui de nombreuses luttes contre le néolibéralisme imposé à marche forcée par l’Union Européenne avec ses relais nationaux comme E. Macron.
Le rapport évoque les groupes financiers qui profitent de l’aubaine du départ à la retraite des biologistes en créant une bulle spéculative alimentée par des mécanismes de LBO, c’est-à-dire par l’endettement et le remboursement ensuite par les bénéfices de l’entreprise rachetée. Les sommes qui atteignaient il y a quelques temps des centaines de millions d’euros, se chiffrent maintenant en milliards avec la consolidation dans des groupes internationaux comme BIOGROUP, CERBA, INOVIE ou EUROFINS qui sont la propriété de sociétés financières et de fonds de pension.
Actuellement une dizaine de grands groupes réalisent 70 % de l’activité et des rachats sont prévus avec pour conséquence la constitution de quelques groupes ayant le monopole de l’activité. Cette activité a toujours été très rentable avec un financement assuré par la Sécurité sociale. La crise COVID a fait exploser les chiffres d’affaires et les bénéfices du fait du maintien pendant une longue période de tarifs, notamment pour les tests, très élevés par rapport aux coûts réels. Aujourd’hui, organisés en lobby, ils protestent contre la volonté du gouvernement de leur imposer une réduction des tarifs totalement justifiée. Espérons qu’il ne reculera pas une fois de plus devant ce que ces académiciens appellent comme nous le monde de la finance. 

Misère de la psychiatrie

12 septembre 2022

Un seul chiffre montre la gravité de la situation : 40 % des postes de psychiatres titulaires ne sont pas pourvus dans les hôpitaux psychiatriques.
Depuis des années les urgentistes dénoncent une situation inacceptable pour les patients atteints de troubles psychiatriques en indiquant que ces malades sont dans la rue ou en prison et sont complètement délaissés par le système qui n’a plus les moyens de les prendre en charge. La situation est particulièrement critique pour les enfants avec régulièrement des délais de prise en charge à un an, voire plus. Il s’agit véritablement là de non-assistance à personne en danger.
Un infirmier de l’hôpital de Roanne dans la Loire m’a récemment relaté un cas qui illustre parfaitement la gravité de la situation. Son équipe prend en charge un enfant et juge qu’il a besoin d’être hospitalisé au regard de la gravité de son cas. Son hôpital ne disposant pas de lits de pédopsychiatrie, il faut le transférer à Saint-Etienne à 90 km de là. Il l’accompagne donc en véhicule sanitaire et, surprise, les psychiatres de Saint-Etienne, contredisant leurs collègues de Roanne, jugent qu’une hospitalisation n’est pas nécessaire. En fait, cette décision est motivée par le manque de lits. Ainsi, l’enfant va retourner dans sa famille avec une prise en charge ambulatoire inadaptée. Voilà une des conséquences tragiques du fameux « tout ambulatoire » prôné par le gouvernement qui ne sert qu’à accélérer les fermetures de lits pour des raisons budgétaires.
Les jeunes, notamment les étudiants, ne sont pas mieux lotis. Alors que plusieurs études montrent que 40% d’entre eux sont en souffrance psychique, les délais de prise en charge dans les structures ambulatoires ne cessent de s’allonger et les ruptures de suivi sont légion.
Mais les autorités sanitaires ne sont pas à court d’imagination pour pallier au manque de moyens. L’ARS d’Ile-de-France promeut une expérimentation sur la thématique des « Premiers secours en santé mentale », visant à copier les « gestes qui sauvent » enseignés en secourisme. Il s’agit de former des centaines d’étudiants, d’acteurs associatifs et des collectivités territoriales pour soi-disant agir en prévention. Louable intention s’il s’agissait réellement d’accélérer une prise en charge des personnes en souffrance psychique par une détection précoce et un accompagnement, visant notamment à lutter contre leur exclusion et parfois leur stigmatisation. En fait, quand on gratte ce vernis de bon samaritain, il s’agit de demander à des bénévoles avec 2 jours de formation de se substituer à un système défaillant.
Il y a urgence à redonner des moyens au secteur de la psychiatrie car il faut rappeler que 25 % des français connaîtront un trouble psychiatrique au cours de leur vie et que les effets de la crise sanitaire et sociale représentent un enjeu préoccupant, notamment chez les plus jeunes.

 

Pourquoi veulent-ils tuer la Sécu ?

2 août 2022

Depuis sa création les libéraux n’ont eu de cesse de vouloir réduire la Sécurité sociale à un simple filet de sécurité pour les pauvres afin que la santé devienne un produit marchand comme un autre dans les mains des assureurs privés.
Le gouvernement Macron accélère le processus mis en place notamment par Juppé dans les années 1990. A la demande du patronat, les exonérations de cotisations sociales se sont multipliées pour atteindre aujourd’hui plus de 70 milliards d’euros. Plusieurs problèmes se posent. D’une part la compensation par l’Etat se fait par affectation de recettes issus de la TVA, impôt très injuste car non progressif, avec un taux identique pour tous, ce qui fait que plus on est riche, plus la part de ses revenus ponctionnée par la TVA est faible. Il s’agit donc d’une rupture du principe de la cotisation selon ses moyens. D’autre part, par divers mécanismes, l’Etat ne respecte pas la loi Veil de 1994 qui prévoit une compensation intégrale des exonérations. Par ailleurs, les dépenses sanitaires et sociales de 136 milliards issues de la crise COVID sont affectées à la dette sociale qui doit être remboursée par la cotisation supplémentaire payée par les salariés, la fameuse CRDS (contribution au remboursement de la dette sociale). Celle-ci devait s’éteindre en 2024 mais elle devrait perdurer jusqu’en 2033. Non seulement, elle continuera à amputer les salaires mais en plus ce seront environ 15 milliards en moins par an pour la sécurité sociale. Par contre, l’Etat a pris entièrement à sa charge les aides aux entreprises versées pendant la même période. A cela s’ajoute, la volonté de remplacer les augmentations de salaires par diverses primes ou autres modes de rétribution exonérées de cotisations sociales, ce qui ampute la Sécurité sociale d’une partie de ses revenus. Il faut également noter qu’il existe une totale convergence entre Macron, LR et le RN qui tous proposent d’augmenter les salaires en réduisant les cotisations sociales. Face à cette situation, Il s’agit aujourd’hui d’expliquer ce qui correspond au salaire sur une fiche de paie : il s’agit en fait du coût total employeur, c’est-à-dire du salaire net plus les cotisations sociales du salarié et de l’employeur. L’ensemble de ces cotisations, appelé le salaire socialisé, représente 40 % de la rémunération totale qui sont versés à la Sécurité sociale pour assurer les frais de santé, la retraite, les allocations familiales et les accidents du travail. Ce montant n’a rien d’excessif, n’en déplaise au patronat, et correspond à peu près à ce qui existe dans la plupart des pays dit riches. La grande différence est le niveau des prestations reçues en retour.
Avec la Sécurité sociale, chacun reçoit selon ses besoins et non en fonction de son niveau de cotisation comme c’est le cas avec les assurances privées. Par ailleurs, la gestion du système est très économe puisque les coûts de gestion de la Sécurité sociale sont d’environ 5 % alors que ceux des assurances privées sont d’environ 25 %. Ce surcoût s’explique par le fait que dans un système d’assurances concurrentes, il faut aller chercher les clients et surtout il faut dégager le meilleur bénéfice possible pour les actionnaires. Alors il ne faut pas se laisser abuser par des mesures qui ne visent qu’à nous voler une partie de ce qui nous appartient, c’est-à-dire nos cotisations sociales, pour en faire profiter le marché des assurances.

 

Canicule

12 juillet 2022

Pour débuter cet été, je vous propose un billet sur l’actualité météorologique avec ses incidences sanitaires. Le terme de canicule a une connotation exceptionnelle qui n’est plus adaptée et il est plus réaliste de parler de période de forte chaleur. En effet, chaque été il fait chaud et d’année en année depuis l’épisode dramatique de 2003, nous constatons que ces situations sont de plus en plus fréquentes et de plus en plus prolongées. Le constat est sans appel, il va donc falloir vivre avec et s’adapter.
Si des mesures de prévention et de protection ont été prises pour les plus âgés, nous ne pouvons que constater que tout cela reste bien insuffisant avec des accidents dramatiques comme ces deux morts sur une plage en Bretagne il y a quelques semaines. Les pièces climatisées ne suffisent pas et il est clair que des changements de mode de vie sont indispensables en prenant comme exemple les habitudes de l’Europe du Sud et de l’Afrique du Nord. Ainsi, il apparaît évident qu’il faut rester à l’abri et au repos aux moments des plus fortes chaleurs et concentrer les activités en matinée et en soirée. Pour ceux qui seraient réticents, cela signifie de réhabiliter la sieste de l’après-midi, ce qui ne semble pas particulièrement contraignant. En ce qui concerne, les habitudes vestimentaires, là aussi des changements radicaux sont indispensables. Il s’agit de se convaincre que des vêtements couvrants, clairs et amples pour faciliter la circulation d’air sont préférables à une exposition large de la peau au soleil. Il ne faut pas oublier également de se protéger la tête, plutôt avec un chapeau qu’avec une casquette, là aussi pour laisser une ventilation entre le crâne et le couvre-chef.
Enfin, je voudrais vous parler d’un problème passé sous silence qui est que chaleur et médicaments font très mauvais ménage. Il s’agit notamment des traitements contre la tension, ce qui est compréhensible notamment du fait que certains produits utilisés sont des diurétiques, c’est-à-dire des médicaments qui augmentent le volume des urines. Donc l’équilibre est précaire entre le fait qu’il faut boire abondamment pour éviter la déshydratation et ce mode d’action. Plus globalement, du fait de la chaleur qui provoque un afflux de sang vers les bras et les jambes, ce qui se manifeste par des veines qui sont plus larges et plus visibles, la pression artérielle chute. Il faut donc souvent adapter le traitement, ce qui nécessite de pouvoir en discuter en amont avec son médecin traitant pour agir au bon moment, en diminuant éventuellement les doses. Il en va de même avec les médicaments à visée psychiatrique, mais d’une manière générale il faut être vigilant avec tous les traitements chroniques.
Il s’agit du nouvel enjeu en termes de santé publique, difficile à gérer aujourd’hui du fait de la pénurie de médecins traitants et donc de leur manque de disponibilité, en particulier pour les plus âgés qui bénéficient de moins en moins de visites à domicile, donc d’un suivi souvent très aléatoire.

 

Urgence pour la santé

13 juin 2022

Vous allez dire que je me répète mais nous sommes effectivement à un point de rupture pour notre système de santé et de protection sociale. La question est de savoir de quel côté va pencher la balance : du côté du service public et de la sécurité sociale à 100 % ou du côté des services marchands et des assurances privées, bref d’un système à l’américaine. La crise COVID a été le révélateur de l’ampleur de la dégradation de nos hôpitaux et d’une médecine de ville exsangue. Mais il faut insister sur le fait que les 5 ans de gouvernement Macron ont accéléré les choses car son moteur n’est plus celui de la droite traditionnelle mais bien celui d’un capitalisme débridé où tout peut devenir une marchandise source de profit. Nous l’avons vu par exemple dans les EHPAD avec ORPEA, pour les vaccins avec Pfizer, mais aussi avec nos données de santé qui risquent d’être offertes à Google, Amazon et consorts. Une de leur marque de fabrique est une désinhibition totale par rapport aux valeurs qui fondent une vie en société.
Or sans humanisme, sans empathie, sans solidarité, il est impossible d’imaginer un système de santé qui soit capable de gérer efficacement les grands défis de santé publique qui sont devant nous. Mais me direz-vous, la Sécurité sociale est en déficit et il n’est pas possible d’augmenter la fameuse dette que nous laisserions à nos enfants. Il est salutaire que le débat économique se soit invité dans les derniers jours de campagne avec des économistes qui contestent ces arguments. Les mots sont forts dans la bouche d’un des plus célèbres d’entre eux, Thomas Piketty : « Macron ment aux Français ». Il valide les arguments que les syndicalistes notamment répètent depuis de nombreuses années. Il faut aller chercher l’argent par l’impôt là où il est pour arrêter d’augmenter la dette, notamment la dette liée au COVID, soit 70 milliards qui devra être remboursée par les assurés sociaux pendant les dix ans à venir, ce qui fera autant d’argent en moins dans les caisses de la Sécurité sociale. Dans le même temps, il indique que les 500 plus grandes fortunes de France ont vu leur richesse passer de 200 à 1 000 milliards entre 2010 et 2022, c’est-à-dire de 10 % à 40 % du PIB ! La solution est bien là pour pouvoir mieux payer les personnels, en embaucher 100 000 dans les hôpitaux et 200 000 dans les EHPAD, prendre en compte la pénibilité en passant au 32 h sur 4 jours, former massivement des personnels avec des contrats d’études, maintenir les hôpitaux de proximité et rouvrir des lits là où c’est nécessaire. Un pourcent du PIB supplémentaire nous suffirait dans un premier temps.
Alors, il vous faut bien réfléchir pour le 19 juin : aller voter et ne pas vous tromper de bulletin. Cinq ans de plus avec Macron et c’est l’effondrement. Ou alors, avec une majorité de la NUPES, il est possible de mettre en œuvre une autre politique immédiatement. C’est une urgence pour éviter une catastrophe cet été qui ne sera que le début d’une crise sanitaire sans précédent pour l’hiver, l’été prochain et les années à venir.

 

Véran : un bilan catastrophique

16 mai 2022

Lors du départ d’un responsable politique, il est toujours utile d’effectuer le bilan de son action à son poste de responsabilité. Olivier Véran, médecin, ancien député socialiste, nouvel élu sous l’étiquette LREM et homme ambitieux, a été nommé ministre de la Santé lors du départ mouvementé d’Agnès Buzyn.
De sa gestion de l’épidémie COVID, on retiendra sa position sur une ligne dure avec l’obligation de vaccination des soignants ainsi que le passe sanitaire puis vaccinal, qui a été finalement progressivement contredite par sa hiérarchie. Mais les soignants déjà sous pression du fait du manque de moyens ont subi sa morgue et son mépris lors de multiples prises de parole ou de visites dans les hôpitaux sous protection policière sans aucune possibilité de l’aborder directement.
On retiendra qu’il est l’homme de ce qu’il a appelé le Ségur de la santé qui devait répondre à l’urgence des difficultés hospitalières. La seule mesure conséquente se limite à de faibles augmentations de salaire et à des primes octroyées seulement à certaines catégories, ce qui a provoqué la colère des nombreux exclus, notamment dans le secteur médico-social, avec de multiples mouvements sociaux.
De fait, il s’agit d’un échec car même les signataires de ce fameux plan sont aujourd’hui très critiques. En effet, alors que l’urgence est l’emploi, aucune mesure concrète n’a été prise dans ce domaine et aujourd’hui le système s’effondre avec la multiplication de fermetures de services par manque de soignants. Pire, les opérations de restructurations avec des suppressions de lits se poursuivent comme si l’épidémie n’avait pas montré que les difficultés de l’hôpital étaient principalement liées aux fermetures massives de lits, associées à un déficit de recrutement. Lui-même médecin hospitalier et sensé bien connaître le problème, il a été sourd aux revendications portées de manière très large par les syndicats, collectifs et associations citoyennes lors du mouvement débuté en 2019 et qui se poursuit aujourd’hui de manière locale avec la multiplication de conflits.
Il est même l’artisan de l’accélération de la mise en place de la loi Ma Santé 2022, notamment avec ce qui est faussement appelé des « hôpitaux de proximité ». Il ne s’agit en fait plus d’hôpitaux car sans service d’urgences ouverts 24h, sur 24, sans maternité et sans chirurgie. Ils sont réduits à de simples centres de consultations avec quelques lits pour les personnes âgées. C’est lui aussi qui avec son collègue médecin et député Thomas Mesnier a mis en place le forfait de passage aux urgences, mesure punitive pour les personnes qui ne sont pas hospitalisées car elles seraient venues soi-disant de manière abusive aux urgences.
Son bilan est donc celui d’un ministre, très bon élève, qui a poursuivi et accéléré la casse de l’hôpital public, marqueur de la politique d’E. Macron. Nous avons rien à attendre d ‘un futur ministre nommé par l’actuel président de la République car, quel que soit son profil et sa personnalité, les ministres passent mais les options politiques demeurent.
Une politique de rupture est une urgence et une nécessité pour notre système de santé. Pensez-y les 12 et 19 juin !

 

Mon Espace Santé

29 mars 2022

Après l’échec du Dossier Médical Partagé dont le développement a coûté près d’un milliard d’euros, l’Assurance maladie propose aujourd’hui un nouvel outil informatique appelé Mon Espace Santé. Si l’objectif d’un accès rapide aux données de santé individuelles importantes de chaque patient par les professionnels de santé a un intérêt certain, ce qui est proposé aujourd’hui pose différents problèmes.
Sur la forme, il faut noter le fait que l’inscription est automatique et que l’espace est créé sans le recueil du consentement préalable et explicite de l’assuré. Les tests effectués dans trois départements montrent que moins de 0,7 % des usagers se sont opposés à sa création mais seuls 4,8 % des personnes ayant un espace santé l’avaient utilisé. Donc comment savoir si les 95 % restants ont réellement souhaité en avoir un ? Au-delà de la question de l’utilité de ce dossier, on peut déjà affirmer que les modalités de sa création sont peu respectueuses de la liberté des personnes auxquelles il est censé simplifier la vie. Se passer du consentement au prétexte de l’intérêt des patients s’apparente à un contrôle social qui ne peut qu’engendrer une suspicion légitime des intéressés. Il est certes possible de supprimer son compte, mais il faut être suffisamment informé et capable de naviguer dans un système informatique parfois complexe. Une fois créé, l’espace santé a pour but de donner l’accès aux informations aux personnels de santé, mais là aussi la question du consentement est traitée avec une grande légèreté car il suffit au soignant de cocher une case qui servira de preuve de l’accord du patient.
Pour preuve du caractère quasi automatique, il suffit de constater que l’attestation de vaccination Covid-19 est automatiquement inscrite dans le dossier. Si l’accès aux données en urgence paraît ce qui peut sembler le plus utile, nous ne savons pas quels contrôles techniques permettent de définir ce qui est une situation d’urgence et débloque l’accès aux documents. Il en va de même en ce qui concerne le médecin traitant qui a accès à l’ensemble des données contenues dans le dossier. Mais que se passe-t-il quand on souhaite changer de médecin traitant ? Qu’en est-il à l’hôpital où l’accès est partagé pour le service dans lequel on est hospitalisé : impossible de savoir qui y a vraiment accès. En fait ce système n’a pas été pensé pour que ce soit l’assuré qui maîtrise les données, comme pas exemple avec ce qu’on appelle le coffre-fort numérique qui permet d’avoir sur soi en permanence des documents utiles. Dans ce cas, c’est bien la personne elle-même qui décide ce qu’elle stocke et qui en maîtrise l’accès.
En ce qui concerne les données essentielles nécessaires en urgence, comme des allergies ou des traitements particuliers, elles pourraient être disponibles sur la carte Vitale. Enfin, il faut souligner que l’intérêt d’un dossier médical rapidement accessible est surtout utile pour les personnes atteintes d’affections chroniques, c’est-à-dire plutôt des personnes âgées, population dans laquelle ce qu’on appelle la fracture numérique est la plus importante.
Nous voyons bien qu’une fois de plus le gouvernement ne privilégie pas l’intérêt individuel des citoyens mais se préoccupe plus de la collecte de données dont les contrôles de leur utilisation ne semble pas satisfaisants pour éviter une utilisation malintentionnée.

 

L’urgence d’une formation de masse de professionnels de santé

14 mars 2022

L’organisme gouvernemental France Stratégie est chargé de la publication d’études visant à éclairer le gouvernement dans ses choix concernant l’action publique. Il a quelques jours, le rapport intitulé « Les métiers en 2030 » soulignait les besoins de 700 000 emplois supplémentaires dans le domaine de la santé au sens large d’ici 2030. Répartis par grand corps de métiers, il s’agit entre-autres de 110 000 infirmières et sages-femmes, 110 000 aides-soignantes, 50 000 médecins, 50 000 autres paramédicaux, auxquels s’ajoutent 100 000 emplois pour l’aide à domicile. Qu’on se comprenne bien, il s’agit de postes en plus de l’existant ! Il faut donc ajouter à ce chiffre le remplacement des départs en retraite.
Or aujourd’hui de nombreux postes budgétés, notamment d’infirmières et d’aides-soignantes sont vacants faute de candidates. Par ailleurs, nous assistons à un nombre important d’abandons de ces métiers : pour exemple, 150 000 à 200 000 infirmières diplômées en âge de travailler n’exercent plus leurs fonctions. En ce qui concerne les médecins, nous ne pouvons que constater les mensonges du gouvernement concernant la fin du numerus clausus. Le nombre d’étudiants en 2021 qui seront les médecins de 2030 est d’environ 10 000, soit le même chiffre qu’en 1975. A cela s’ajoute l’épisode rocambolesque du projet d’ouverture d’une annexe de la faculté de médecine de Zagreb à Orléans face au refus du gouvernement d’ouvrir une filière universitaire française réclamée depuis plus de 20 ans.
En ce qui concerne les infirmières, le nombre de place dans les instituts de formation a augmenté ces dernières années et atteindra 36 000 pour la rentrée 2022-2023 mais, phénomène nouveau ces dernières années, le taux d’abandon des études qui était très faible avant la mise en place de Parcoursup est aujourd’hui important. L’utilisation des étudiants en santé comme main d’œuvre de suppléance lors des différentes vagues de l’épidémie de COVID a amplifié cette fuite, du fait du manque d’encadrement et des conditions de travail dégradées.
Nous voyons donc qu’il est urgent que le gouvernement réponde aux revendications des personnels posées avec force depuis 2019 et auxquelles il n’a pas répondu. Il est réclamé un grand plan emploi-formation intégrant des mesures incitatives fortes, comme notamment des contrats d’études permettant d’être rémunéré dès l’entrée dans le cursus avec une préaffectation dans une zone géographique définie.
L’urgence est également de revaloriser les rémunérations bien au-delà de ce qui a été proposé par le Ségur de la santé. Il est aussi indispensable de prendre en compte la pénibilité de l’ensemble de ces métiers, liée notamment aux horaires décalés. Les propositions sont sur la table : les 32 h sur 4 jours pour pouvoir bénéficier de trois jours de repos par semaine et une bonification de 5 ans pour obtenir une retraite à taux plein. Tout reste à faire !

 

EHPAD : qui sont les responsables ?

1er mars 2022

Au-delà du scandale concernant les EHPAD dévoilé par le livre « Les Fossoyeurs » de Victor Castanet, il est utile d’effectuer un retour en arrière pour mettre en avant les responsabilités des gouvernements qui se sont succédés depuis le début des années 1990 et qui sont à l’origine de cette situation. La loi sur les EHPAD a été votée en janvier 2002 sous un gouvernement de gauche avec Bernard Kouchner comme ministre de la Santé. Il s’agissait de l’ouverture de ce secteur au privé lucratif, l’État déclarant ne pas avoir les moyens de répondre aux besoins grandissants du fait du vieillissement de la population. Le groupe ORPEA, créé en 1989, a alors pu changer de dimension et en 2003 est apparu le groupe Korian qui est aujourd’hui le premier opérateur en France dans les EHPAD. Puis de nombreuses autres sociétés se sont développées dans ce qui est appelé la silver economy ou l’or gris.
En 2009, sous le gouvernement Sarkozy, deux députés UMP, Censi et Bouvard, font adopter un régime particulier pour les investissements immobiliers dans les EHPAD ouvrant le doit à une défiscalisation et donc à une très bonne rentabilité. C’est ainsi qu’étant considéré en tant que médecin comme une personne ayant des revenus à placer, je reçois régulièrement des publicités m’incitant à investir dans, je cite, « un marché porteur du fait de l’allongement de la durée de vie et du vieillissement de la population augmentant considérablement la demande ». Il est ainsi promis des rendements annuels jusqu’à 5 à 6 % et des réductions d’impôts permises par des dispositifs qui sont de véritables niches fiscales.
Nous ne pouvons que constater aujourd’hui la collusion des politiques avec les groupes privés qui se sont développés dans ce secteur et qui aujourd’hui génèrent des bénéfices conséquents sur le dos de la Sécurité des sociale, des retraités et de leurs enfants soumis à l’obligation d’assurer le paiement des factures qui se montent en moyenne à 3 000 euros par mois, ce qui est bien au-delà du montant moyen des pensions de retraite.
En effet, les ARS sollicitées depuis des années par les syndicats de salariés et les familles n’ont jamais joué leur rôle de contrôle. Cela a notamment été le cas de l’ARS d’Ile-de-France dirigée par Claude Evin, ancien ministre socialiste de la santé, qui connaissait parfaitement le problème et qui essaye aujourd’hui de se dédouaner par presse interposée. Enfin, l’actuel gouvernement n’a jamais répondu au mouvement initié en 2018 et qui réclamait un encadrement d’un soignant par résident dans tous les EHPAD, ce qui correspond à la nécessité de la création de 200 000 emplois.
Donc ils savaient et ils n’ont rien fait. Nous en avons assez aujourd’hui des déclarations de contrition de la part de ceux qui sont responsables de cette situation. Nous demandons des actes et le premier doit être l’exclusion des opérateurs privés à but lucratif de toutes les activités de la santé et du médico-social.

 

Il y a urgence !

19 janvier 2022

Depuis le début du mouvement qui agite l’hôpital public, nous sommes nombreux à revendiquer le fait que l’avenir du système de santé soit une des questions au cœur du débat politique de la présidentielle. Alors que certains souhaitent faire de l’immigration et de la sécurité leurs priorités, les préoccupations des Français sont le pouvoir d’achat et la dégradation de l’accès aux soins.
Depuis trop longtemps, la santé est restée une affaire de spécialistes avec des organisations de professionnels de santé, des médecins, souvent plus préoccupés par leurs actions de lobbying pour défendre des intérêts catégoriels qu’à répondre aux besoins de la population. Cette situation a permis aux politiques libérales de se développer avec trop peu de résistance, les gouvernements jouant à merveille des divisions pour s’attaquer au service public et à la solidarité, représentée par la Sécurité sociale.
La crise liée au coronavirus a été le révélateur de l’affaiblissement réel de notre système et a validé le diagnostic fait par tous ceux, professionnels et citoyens, qui luttent pour défendre, ici un service d’urgences, là un hôpital ; qui réclament la formation et l’embauche de personnels, des hausses de salaires, une régulation de l’installation des médecins, la fin des dépassements d’honoraires ; qui protestent contre l’augmentation des primes d’assurance-maladie complémentaire, etc. Certains ont senti le vent tourner et les tribunes diverses fleurissent dans les médias et sur les réseaux sociaux.
Nous pouvons nous en féliciter, mais quand on y regarde de plus près, il s’agit souvent de propositions de réformes axées sur des intérêts corporatistes, sans vision globale des besoins profonds. Toutes les réformes ne sont pas forcément des progrès. Il s’agit ici de venir sur le terrain politique, au sens noble du terme, c’est-à-dire celui des objectifs qui conditionnent les choix concernant la vie quotidienne des citoyens. Ce qu’il nous faut discuter, c’est de savoir si nous continuons à glisser vers un système marchand assis sur des assurances individuelles, ou si nous imposons une autre logique, si bien exprimée par le slogan que nous clamons haut et fort dans les manifestations : « La santé n’est pas une marchandise et l’hôpital n’est pas une entreprise ! »
Ce débat est trop important pour le laisser aux mains de ceux qui s’autoproclament « experts ». Il y a urgence à ce qu’un débat citoyen s’ouvre sur cette question.

 

Forfait urgences

28 décembre 2021

Une des nouvelles inventions du gouvernement est d’instaurer un forfait de passage aux urgences de 20 euros (19,61€) que devra régler immédiatement tout patient qui ne sera pas hospitalisé et qui ne bénéficiera que d’une consultation.
Ce nouveau dispositif est présenté comme une simplification d’une facturation il est vrai complexe, mais comme cela est le cas pour tous les soins avec la part sécurité sociale et la part mutuelle, qui fait qu’il est très difficile de comprendre ce qui restera à sa charge. Les principaux problèmes avec cette mesure sont d’une part sa date d’application, le 1er janvier 2022, d’autre part le travail administratif supplémentaire que cela va nécessiter du fait de l’obligation de l’encaissement immédiat.
En pleine épidémie, avec une tension hospitalière qui devient intolérable pour les personnels, la priorité est-elle d’ajouter des tâches, qui plus est administratives, à du personnel déjà débordé ? Par ailleurs, cette « taxe » risque de provoquer des tensions avec un certain nombre de patients non informés qui considérerons qu’il s’agit d’une punition, alors que pour la très grande majorité d’entre eux, ils ne viennent pas par plaisir aux urgences mais bien parce qu’il n’ont pas trouvé de solution en ville du fait de la baisse continue du nombre de médecins généralistes. Il est clair que les personnels ont autre chose à faire que de recouvrer ce forfait. Alors si la solution est de créer des postes administratifs pour encaisser cette taxe, où est l’intérêt ?
En résumé, ce gouvernement reste dans une logique financière et administrative de gestion des hôpitaux à mille lieux des besoins réclamés avec force par tous les personnels mobilisés depuis 2019 autour de trois revendications : des postes, de meilleurs salaires et l’arrêt des fermetures de lits.
Mais visiblement, il reste sourd à ces demandes comme nous l’ont montré les dernières annonces du premier Ministre qui n’a cité aucune mesure concrète pour l’hôpital et qui est resté sur la ligne condescendante du remerciement aux hospitaliers pour leur mobilisation. Nous en avons assez d’être ainsi méprisés et nous exigeons un vrai plan de remise à niveau de l’hôpital.

 

Justice

14 septembre 2021

De nombreux éditorialistes et politiciens s’offusquent de la mise en examen d’Agnès Buzyn par la Cour de justice de la République pour les carences dans sa gestion de l’épidémie liée au coronavirus. Certains parlent même de la « mise en péril de l’action de l’Etat » et du risque de la paralysie des politiques « hantés par le risque pénal ».
Quelle emphase, alors qu’il ne s’agit que de rechercher les responsabilités des différentes personnes en poste dans les difficultés rencontrées par notre système de santé et qui ont été à l’origine de décès qui auraient pu être évités si les moyens avaient été au rendez-vous. Bien entendu face à un phénomène nouveau, il est évident qu’il existe des phases d’incertitude et de tâtonnement. Il faut donc avoir l’humilité de reconnaître qu’on ne sait pas et qu’on a pu se tromper, raison pour laquelle il est parfois nécessaire de faire le contraire de ce qui a été dit quelques jours plus tôt.
Une des raisons des plaintes déposées provient de la manière dont le gouvernement a communiqué, sans jamais reconnaître ses erreurs, faisant montre d’une arrogance et d’un mépris vis -à-vis des critiques, qui n’ont fait qu’exacerber les tensions et la colère.
L’autre élément à prendre en compte sont les limites de notre système démocratique. La verticalité du pouvoir avec sa concentration dans les mains du président de la République est ici mise en lumière.
En effet, le véritable contre-pouvoir de l’exécutif doit être le parlement qui devrait pouvoir exercer des sanctions sur les membres du gouvernement sur la base de conclusions de commissions d’enquête dotées de réels pouvoirs d’investigations. Ce qui n’est malheureusement pas le cas dans notre pays. Le mécanisme actuel avec une instance judiciaire réservée aux membres du gouvernement est en fait une aberration. En effet, la justice n’est pas armée pour ce type de procès qui risque de s’enliser en laissant une grande amertume aux milliers de plaignants. Car ces plaintes individuelles ou collectives (la Fédération CGT de la santé et de l’action sociale fait partie des plaignants) sont légitimes et nécessitent une réponse à la hauteur de la gravité de l’événement et des vies perdues.